Les fouilles années 1968 1980

 

 

Après avoir procédé au nettoyage du site, l’équipe a pu entreprendre le véritable déblaiement en commençant par une cavité dont on saura très vite qu’il s’agit de l’entrée des salles 1 et 2 restées inaccessibles.

"entrée des cellier avant"  "travaux à la lumiere"  "déblaiement"  "evacuation des déchets"

Seul un trou informe donnait accès aux salles qui étaient comblées au tiers par d’importants remblais. La hauteur du remblai atteignait 3 m d’épaisseur à l’entrée et 1,20 m tout au fond soit une masse de près de 100 m3 composée de pierres, de mortier et de débris divers qu’il fallut extraire à la pioche et à la brouette. Les conditions de travail, faible hauteur et poussière avec un éclairage à l’aide de lampes à pétrole, étaient encore plus difficiles lors d’intempéries par le suintement de l’eau qui traversait la voûte et tombait sur la tête des intervenants.

 "chemin d'accès"   "toboggan"   "toboggan 03"  

Le déblaiement des remblais vers le toboggan puis vers d'autres points de stockage

L’évacuation des gravas vers le toboggan nécessitait trois hommes et une organisation parfaite : l’un qui tenait les manchons de la brouette et poussait, les deux autres tiraient vers le haut à l’aide de cordages la lourde charge pour franchir le seuil des salles très pentues et empêcher le renversement du chargement. Puis il fallait ensuite traverser à plat un espace d’une quarantaine de mètres pour rejoindre le lieu de déversement dans les camionnettes via un toboggan artisanal.

Au total 1200 brouettées furent nécessaires pour dégager l’espace et laisser apparaître le volume complet composé de deux salles séparées par un énorme pilier encadré de deux voûtes en plein cintre.

 

"coupe sur les salles 1 et 2"  "plan des salles 1 et 2 découvertes en 1969"

 Salles 1 et 2 coupe et plan donnant l'état des lieux après leur découverte en 1969

La salle 1 (la  plus éloignée de l’entrée) forme un carré de 4 m sur 4 m et est voûtée en croisées d’ogives. Elle semble avoir été coupée en deux car la voûte en croisées d’ogives se poursuit vers l’Est interrompue par un gros mur.

La salle 2 (à l’entrée) fait 6 m de large et 9 m de long. Elle est voûtée d’arcs en plein cintre.

 "salle 2"  "pillier entre les salles 1 et 2"  "croisée de'ogives salle 1" 

Les murs des deux salles sont abimés au-dessus du remblai et les arcs doubleaux supportant la voûte en berceau de la salle 2 ont disparu laissant apparaître une saignée à leur emplacement. L’agréable découverte vint du fait que cet endroit était resté en partie intact avec des soubassements de mur en opus spicatum qui nous fournirons plus tard une précieuse indication pour la datation de la construction. Sur la droite de la salle 2, un passage en ogive de construction plus tardive semble être une ancienne meurtrière. Sur le retour de mur côté entrée apparait l’emplacement d’une ancienne meurtrière murée sans doute au moment de la construction de l’escalier menant aux courtines réalisé dans l’épaisseur du mur du passage.

 "jetons de tric trac"   "fourneaux de pipes" 

Pions de tric trac et fourneaux de pipes trouvés dans les salles 1 et 2

Durant le déblaiement de nombreux tessons de poteries, des pions de tric trac en os, de fourneaux à  pipes et d’ossement d’animaux furent trouvés mais aucune couche d’occupation fut susceptible d’alerter l’équipe. Bien que les murs semblaient descendre plus bas les fouilles cessèrent, à cette époque, à un niveau approximatif.

 

En principe, suite à cette première étape, l’équipe devait entreprendre la consolidation et la restauration des murs mais, faute d’argent pour l’achat de matériaux et du matériel nécessaire, l’opération fut remise à plus tard et les jeunes présents décidèrent d’aller vider la tour Nord-Ouest du châtelet.

La base de la tour était remplie de pierres de taille comportant des chanfreins et des feuillures confortant l’idée qu’elles venaient d’un portail détruit. Leur lourdeur nécessitât l’usage d’un palan afin de les extraire. Après être descendu à 3 m sans trouver le fond et craignant de mettre en péril l’équilibre de portion de tour émergeant du sol il fut décidé d’étayer les murs avec de gros madriers. Cette consolidation dura de nombreuses années mais nous y reviendrons.

 
 

"chatelet01" "chatelet02nb" "chatelet03"

Vue du châtelet avant et pose des étais

La base de la tour était remplie de pierres de taille comportant des chanfreins et des feuillures confortant l’idée qu’elles venaient d’un portail détruit. Leur lourdeur nécessitât l’usage d’un palan afin de les extraire. Après être descendu à 3 m sans trouver le fond et craignant de mettre en péril l’équilibre de portion de tour émergeant du sol il fut décidé d’étayer les murs avec de gros madriers.

Cette consolidation dura de nombreuses années mais nous y reviendrons.

 
 

Ne pouvant aller plus loin pour le moment, il fut décidé d’un commun accord de poursuivre nos travaux de déblaiement dans le secteur à ciel ouvert situé en prolongement des salles 1 et 2 et au pied de ce qui devait être un escalier dans une petite tour dans l’angle Sud Est et qui allait se révéler être, plus tard, une des extrémités d’une grande salle.

 "salle 2 avant déblaiement"   "découverte de la voute salle 3" 

Zone salle 3 avant déblaiement  et lors de l'apparition de la voûte

Après avoir dessouché les quelques arbres qui y étaient présents l’équipe reprit pelles, pioches et la ronde incessante de brouettage pour dégager la zone. Au bout de quelques jours, ils virent apparaître, sans pouvoir déterminer si ces vestiges étaient le résultat de la démolition du château au XVe siècle ou le fait d’un non achèvement à une époque antérieure, les restes de la naissance d’une voûte en berceau identique à celle de la salle 2.

"tour à encorbellement01"   "tour à encorbettemen 02"   "tour à encorbellement 4"

Découverte de la tour à encorbellement, vue des tores et de la base de la tour durant le chantier

Par contre après avoir réalisé une tranchée de 3 m de profondeur du côté de la tour, le pied de cette dernière apparu presque intact en offrant à la vue un encorbellement à deux tores au-dessus d’un soubassement incurvé présentant en partie basse un arrachement de pierres.

L’élargissement du sondage ne révéla ni porte, ni cheminée aussi il fut convenu de poursuivre les recherches de chaque côté du mur de refend qui sépare les deux zones. Après avoir enlevé près de 200 m3 de terre sur 4 m de hauteur à l’aide de seaux et de brouettes, l’équipe en charge du sondage mit à jour des emplacements de poutres qui devaient soutenir un plancher et d’autres petits trous à emplacements réguliers qui se révèlerons être les trous de boulins ayant servi aux échafaudages lors de la construction.

  "porte accès aula"  "archère de la aula" 

Seuil et jambage de la porte en pierre de taille et l'archère

C’est là que fut mis à jour le seuil et les jambages d’une porte en pierres de taille à double feuillures avec en partie basse l’emplacement d’un gond et, dans la portion de mur situé entre cette porte et la tour à encorbellement, une archère orienté plein Est.

Avant d’aller plus loin l’équipe entreprit la réfection du seuil et des jambages d’accès aux salles 1 et 2 et la consolidation du mur à droite de l’entrée reconstruit comme à l’origine en arrêtes de poisson cependant le montage de la voûte sera interrompu par les autorités de l’époque.

  "Renovation00" "Rénovation01" "Rénovation03"  

Travaux de réfection du seuil et consolidation du mur en opus spicatum     

 
 

 "Rénovation02" 

​​​​"Rénovation05" 

Montage de la voûte interrompu 

"tour d'origine 01"

Angle Nord-Est de la tour d'origine avant les sondages

Alors que le groupe allait commencer l’énorme chantier qui allait mettre à jour la grande salle, Robert Baudet était à la recherche d’un local pour entreposer les trouvailles et pour que l’équipe puisse se réunir ou s’abriter d’autant plus que certains venaient de Paris pour le week-end et qu’il fallait les loger.

Il s’adressa au maire d'Ivry, Mr Masson, qui mit à disposition du groupe l’ancien arsenal mais il fallut également s’organiser pour une longue période de travail.

L’objectif : terminer le toboggan, commencer le déblaiement de la cour et de la courtine Nord tout en pratiquant des sondages de reconnaissance à divers endroits. Le nombre de participants et de tâches étant important, il était nécessaire de structurer l’équipe aussi un responsable de chantier en la personne de Mr Jean-Loup Bisson fut désigné ainsi qu’un secrétaire documentaliste Mr Patrick Allain. Enfin, pour entretenir le moral des troupes et parfaire nos connaissances il fut décidé d’organiser des sorties sur des sites qui puissent apporter des réponses à certaines découvertes.

Le chantier de la grande salle allait durer de nombreux mois avec l’enlèvement par pallier de plus de 1200 m3 de remblai sur 4,50 m de hauteur. A la recherche d’argent pour continuer, l’équipe eut l’idée de participer en 1970 au concours des « chantiers de jeunes bénévoles » organisé par le Ministère de la Culture. Celui-ci permit de recevoir 2000 francs qui réconfortèrent tout le monde et permirent de poursuivre le chantier. Si chacun se posait la question de savoir comment tant de remblai était venu remplir cet espace nul ne pensait également qu’il fallut autant de temps pour extraire cet amoncellement de débris. Au fil du temps il en fut conclu que le comblement tel qu’il était avait dû être fait après démolition du site pour pouvoir réutiliser l’espace.

 
 

Alors que le chantier progressait péniblement il fut stoppé par le blocage de l’accès par un agriculteur agacé de voir ses cultures saccagées par des passages trop fréquents. Afin de pouvoir continuer, il fallait trouver ou créer un autre chemin. Robert Baudet pris alors contact avec le préfet pour lui demander de l’aide.  Venu sur place, Mr Ayem fut très intéressé par l’entreprise et put juger de la valeur du site. De retour à la préfecture, il fit débloquer par « Richesse de l’Eure » une subvention importante qui sitôt obtenue fut mise à profit pour la création d’un chemin partant de l’arsenal par l’entreprise Douchez.

 
   "refection des murs de la salle1" "refection des murs de la salle1 nb" Cette opération ouvrait l’avenir d’autant plus que le conseil municipal acceptait de payer les matériaux nécessaires à la restauration des salles 1 et 2 laissées en suspens. Malgré l’ardeur des maçons amateurs de l’équipe il s’avéra que le  Club Archéologique eut besoin d’aide sur le procédé de restauration aussi contact fut pris avec Mr Gendreau architecte des bâtiments de France qui prodigua ses conseils. Après installation des échafaudages les parties de mur détériorées sur plus 1 m de haut furent restaurées en les piquant et remontant des lits de pierres avec un mortier de sable et de chaux.  
 

Si une partie de la forteresse commençait à se révéler nul ne savait où se situait l’entrée. Un sondage sous une épaisse couche de remblai dans l’angle Nord-Ouest mit à jour un mur le long duquel une tranchée parallèle fut ouverte révélant, grâce à la présence d'un pied-droit en partie noyé dans le sol, l’endroit de la porte principale.  Cette découverte entraîna le dégagement total de la zone coté extérieur et intérieur ainsi que celui d’une partie de la courtine. L’opération fit successivement apparaître le seuil, puis 40 cm en contrebas un second niveau de 1,09 m de large qui descend ensuite en glacis. La mise à jour d’ardoises calcinées et des agglomérés de plomb fondus confortèrent l’idée que le château fut incendié avant d’être détruit. La poursuite des travaux de dégagement permit de mettre à jour l’espace intérieur de la porte et de trouver l’existence d’une seconde tour pendante à celle précédemment découverte ainsi qu’une autre porte précédant celle qui venait d’être dégagée. 

 "chatelet 04"  "chatelet07"  "chatelet 10"

Découverte des seuil du pont levis et de la deuxième tour du châtelet

 
   

"poterne châtelet"

Poterne derrière tour gauche du châtelet

   "chatelet05"​ 

Le châtelet dégagé et en cours de consolidation

   "chatelet13" "chatelet14nb"

Merlon et corbeau trouvés dans les tours

      "cabane chantier"  

Cabane construite à la hâte pour accueillir les jeunes du groupe Rempart venus en renfort

L’examen attentif des murs permis de comprendre que ce châtelet, sans doute ajouté au XIIe ou XIIIe siècle, avait été ajoutés postérieurement à l’enceinte du XIe siècle car les murs de raccordement n’étaient pas liés à la maçonnerie mais simplement accolés. La base disparaissait sous un énorme éboulis, plusieurs semaines furent nécessaires pour dégager totalement la base du châtelet et l'intérieur des deux tours.

Le dégagement de la tour de gauche révèle, dissimulée derrière à gauche, la présence d'une poterne ouverte dans l'enceinte Nord dont le seuil semble correspondre au niveau de l’emmottage de la tour d’origine. 

Sa position par rapport au châtelet tel qu'il se présente questionne quant à l'époque de sa création qui pourrait être antérieure à celle du châtelet et avoir fait partie d'un autre système de défense. 

Parmi les innombrables pierres extraites de l’intérieur des tours il fut trouvé des merlons et des corbeaux permettant d’attester qu’il existait un couronnement à leur sommet.

Les bris de nombreuses ardoises et traces de bois brûlé correspondant aux vestiges des toitures en poivrière qui couvraient chacune des tours. Les deux tours reliées par un mur laissent entre elles un passage à 5 m de hauteur correspondant à la première porte.

La configuration autorise à penser que l’accès était desservi par un pont (en pierre ou en bois la question reste toujours posée) suivi d’un pont-levis et précédé sur la contre escarpe du fossé d’une porte fortifiée ou barbacane.

Pour faire face aux nombreux chantiers, le Club Archéologique fit appel en juillet et août 1973 à un groupe de jeune de la société Rempart. Afin de les accueillir une cabane fut construite à la hâte pour que chacun puisse s’abriter et faire la cuisine sur le tas. Le toboggan initial détruit fut reconstruit côté Est non loin de la grosse tour d’angle.

Durant cette période le chantier connu une activité intense. tout en continuant le déblaiement, principalement dans le couloir de circulation du donjon, l'équipe a dégagé partiellement les murs afin de les recouvrir d'une chape de mortier à la chaux. mais c'est surtout sur la poursuite de la consolidation des murs de la salle basse que les efforts ont  été concentrés.

 
 

Afin de faire connaître le chantier le Club Archéologique a innové durant les mois de juillet et d'août en organisant pendant deux dimanches des visites commentées qui ont attiré quelques visiteurs. Le fruit des travaux commençant à être conséquent, une exposition, regroupant photos, divers objets trouvés et un montage audiovisuel montrant l'activité au château, fut organisée en septembre et reçu la visite de Mr De Broglie député de l’Eure, du Président de Richesse de l’Eure et de nombreux maires et personnes intéressées par les travaux. Cet évènement eut pour effet de nous faire davantage connaître et d’accroître la trésorerie du Club Archéologique. Après son passage Mr Bourguignon, conservateur des Bâtiments de France à Rouen, accorda une subvention importante qui fut reconduite l’année suivante et permit de louer un engin de chantier avec chauffeur pour continuer les déblaiements.

 "escalier 00"  "escalier02nb"  "escalier 01" 

Découverte, sous 2,50 m de remblai, de l'escalier dans l'angle Nord-Ouest  

Après le châtelet, les recherches furent entreprises dans le vaste espace Ouest compris entre le mur du donjon et l’enceinte. Le déblaiement, sur une épaisseur de 2,50 m, mit à jour dans l’angle Nord-Ouest un petit escalier du XVe, dont la base était bien conservée. Hélas, bien que protégée d’un petit toit en tôle, la base constituée d’un mortier de plâtre et de chaux ne résista pas longtemps aux intempéries. L’opération révéla également deux couches différentes : une première variant entre deux et trois mètres constituée de débris de murs, de pierres et de mortier apportés par la destruction des murs alentours et une deuxième très dure et bien compactée, vraisemblablement antérieure à la démolition de la forteresse et correspondant au seuil du portail, dont l'équipe ignorait encore qu'elle ensevelissait toute la base du donjon.

La réponse à cette énigme interviendra après le dégagement complet du donjon et surtout de la partie Sud de ce dernier mais pour le moment il fallait résoudre un problème important : les infiltrations d’eau par temps de pluie, dans la voûte de la salle 2.

"salle4 00" "salle4 02" "salle5 01"  

Remblais au dessus de la salle 1 avant dégagement - Ouverture du passage - Remblais au dessus de la salle 2 avant e dégagement

Profitant que le niveau de la cour n’était pas encore trop bas, il était environ un mètre plus bas, il fut décidé de dégager complètement le dessus des salles 1 et 2 et surtout le dessus de la voûte de la salle 2.

 
 

"salle5 02"  "plan passageé 

Voûte dégagée au dessus salle 2 et plan du passage 

"plan du 1er etage" 

Plan des nouveau espaces mis à jour

Après le dégagement des remblais l'option fut prise d'’ouvrir un passage en démurant une porte condamnée par deux mur épais avec un vide au milieu dans lequel se trouvait des fragments de meules à grain. Ceci fait, la salle haute fut totalement vidée de son contenu afin de mettre à jour l’extrados de la voûte qui fut soigneusement nettoyée pour faire apparaître les fissures et pour y couler une barbotine de chaux pour les colmater.

Ce chantier permis de découvrir en haut et à gauche du mur au fond de la petite salle quelques marches d'escalier aboutissant sur les restes d'un couloir obliquant dans la tourelle d'angle du donjon.

Devant l’ampleur que prenaient les choses, Robert Baudet envoya trois de ses compagnons faire un stage d’archéologie d’une quinzaine de jours à Caen sous la direction de Mr de Bouard au CRAM de la faculté de Caen afin qu’ils acquièrent quelques rudiments dans la technique de fouilles et que les sondages et investigations puissent être réalisés dans les règles, sans risques de détruire quelque chose.

A cet instant le groupe n'avait pas encore une idée précise de l'aspect que pouvait avoir l'ensemble des vestiges trop de secteurs étant enfouis sous le remblai.

 
 

L'enceinte Ouest était en partie dégagée extérieurement avec sa tour de flanquement très endommagée depuis son effondrement en 1905 que l'équipe surnommera "la tour de l'oubli". La présence d'une poterne à l'extérieur de la tour et l'observation de la contre escarpe autorise alors à penser que cette poterne donnée accès à une passerelle puis à un retranchement palissadé qui surplombait le fossé et empêchait les assaillants de remonter la voie. Une hypothèse en partie confirmée par l'existence d'un mur qui se serait effondré dans les années 1960 et qui figurait partiellement sur le plan de 1895 établi par Régnier. 

 "façade Ouest en 1905"    "plan flanc ouest01"

                              Flanc Ouest avant dégagement                                         Plan supposé du système de défense du flanc Ouest

Si le groupe connaissait partiellement les limites intérieures de la tour d'origine tout lui restait encore inconnu. Le chantier sur l'esplanade Sud qui formait une plateforme d'environ 200 m2 qui les intriguait beaucoup mais il allait vite en apprendre plus. Des sondages partiels en surface dans ce secteur avaient révélé l'existence d'une maçonnerie horizontale que les chercheurs pensaient être la voûte d'une salle dont ils ignoraient l'entrée. Après plusieurs recherches infructueuses leur est apparu sur le flanc Est peu après la tour de flanquement une saillie de maçonnerie différente des murs avoisinants. En fait c'était un petit espace triangulaire limité par deux murs se rejoignant en pointe vers le Sud dont le lit de pierres de celui le plus extérieur n'était pas horizontal mais en oblique. Dans cet espace la découverte de nombreux objets parmi lesquels une statuette et de multiples tessons confirma que l'espace avait dû servir de dépotoir sans en savoir plus. Par contre l'étude du mur extérieur en prolongement de celui en oblique également édifié en moellons de silex agglomérés d'un mortier pauvre révéla, au ras du sol, la présence d'une meurtrière presque en face des vestiges d'une double voûte, une sorte d'arc de décharge, encore attenants à la muraille du fond prouvant que cet endroit devait être d'une sorte de petite casemate peut être incluse dans une fausse braie.

  "Plan façade Sud"         "arc de décharge et meurtrière"  "arc de décharge 01' 

                                                 Plan de la zone Sud                                                           meurtrière au sol avec en fond l'arc de décharge

 
 

 "porte accès façade sud" 

Porte d'accès façade Sud

N'ayant pas trouvé l'entrée recherchée le groupe se déporta à l'opposé côté Ouest où il trouva la base d'une porte à deux jambages de pierres de taille avec un amortissement rappelant ceux des angles du glacis du clocher de l'église ce qui permit de dater ces restes de bâtiment du XIVe ou XVe siècle. Un superbe meneau à languette et un claveau de cintre mouluré de la même époque trouvés dans la zone confirma cette hypothèse. Le niveau de cette entrée se situant à la hauteur de la motte la suite des recherches fit comprendre que ce qui semblait être le dessus d'une salle n'était autre qu'un simple mur, aujourd'hui disparu, d'un bâtiment construit tardivement sur le flanc Sud du donjon afin de masquer cette partie.  
 

Suite à cette exploration ce sont les vestiges de ce qui semblait être une galerie de défense située au sommet du donjon qui attirèrent l’attention du groupe. la galerie se trouvait de plein pied avec un espace large d’une dizaine de mètres ne faisant qu’un avec l’enceinte extérieure, arrivant au sommet de la crête de celle-ci. Cette large bande formait l’angle Nord Est de la forteresse surplombant de plusieurs mètres le secteur du portail qui avait été abaissé au niveau de la motte.

 "plan galerie de défense 01"  "galerie de défense 01"  "gaine de défense"  

                      Plan situation                                                                         Etat de la galerie avant son dégagement

 
 

  "schéma remblai galerie01"  

Coupe état  des lieux 

"banc d'assise galerie"

Dégagement de la face interne

L’entreprise consista à dégager les 6 m d’épaisseur de remblai ainsi que le sol de la galerie qui formait un couloir de circulation de 92 cm de large, voûté en arc brisé,  et fermé en cul de sac par un gros bloc très instable d'une partie de la voûte écroulée.

La partie située au Nord qui fait 8 m de long se retourne sur le côté Est en passant par une tourelle d’angle de 3,40 m de diamètre intérieur puis oblique pour aboutir dans la salle 4, en grande partie détruite et précédemment dégagée au premier étage du donjon.

La face extérieure de cette galerie étant détruite, il ne reste que la face interne surmontée d’une demi-voûte peu élevée.  Construite en pierre de taille elle est évidée par endroit de niches peu profondes en arc brisé dont l'allège devait servir de banc d’assise et la profondeur devait permettre aux archers de bander leur arc en face des archères aujourd'hui disparues.

Le bloc instable obstruant l'extrémité de la galerie faisant près de 10 tonnes et totalement désolidarisée du mur finira par tomber lorsqu’un engin viendra procéder au déblaiement du remblai entre le mur du donjon et celui de l’enceinte entraînant avec lui la porte avec sa voûte qu'il constituait.

Les travaux qui durèrent plusieurs mois permirent de mettre à jour la base en pierre de taille de la tourelle Nord et le revers du mur de l’enceinte en glacis bien conservé servant de base au couloir de défense

 
 

  "travaux sur la galerie"    "la galerie degagé" "détail galerie de défense 01"  "détail galerie de défense02" 

Dégagement de la galerie de défense détail d'une niche et passage au bout de la galerie 

La poursuite du dégagement permit de découvrir les restes d’un escalier à vis flanqué à une tour d’angle et un passage d’accès voûté. La voûte ne résistera aux travaux de déblaiement mais les moulures et les jambages des portes autoriseront à penser sur le moment que l’ensemble (tour et escalier) date du XIVe siècle. Une hypothèse qui sera confirmée lors de l’examen du sol intérieur à cette tour de plus de 10 m de diamètre. De forme carrée il permit de voir nettement l’angle Nord Est de l’enceinte sur laquelle la tour repose et a été édifiée plus tardivement.

 "dégagement tour Nord"  "porte d'accès à la tour nord"  "escalier flanqué à la tour nord"  "accès tour nord dégagéé  

                  Dégagement de la tour d'angle                      Porte accès à la tour   Escalier flanqué               Vues des deux accès dégagés

Peu après c’est une poterne qui fut dégagée côté Est, auprès de  laquelle furent trouvés quelques fragments de revêtement mural en plâtre. Puis, grâce à une pelle mécanique venue en renfort de l’équipe, les travaux de déblaiement furent repris sur une hauteur de 6 m dégageant la base de la tour Nord-Est mais également le revers de la muraille d’enceinte extérieure au château, parfaitement intacte avec par endroit des traces d’enduit ancien. La nature de la maçonnerie en opus spicatum a permis de constater que l’enceinte avait été rehaussée à une certaine époque d’une manière différente avec des lits de moellons  calcaires et en légère saillie.

 
 

 "Abside chapelle St Ursin"

Abside de la chapelle St Ursin

Sur le côté Est du donjon juste après la tourelle d‘angle sont apparus au ras du sol les restes d’une petite abside semi-circulaire avec des petits contreforts. Aussitôt le groupe pensa à la chapelle Saint Ursin dont les textes parlent. 

Certainement dérasé au moment de la construction du mur en glacis  et de la galerie de défense au XIIe siècle, elle apporte une réponse quant à la disposition de la salle 1 (celle avec des voûtes en croisées d’ogives) coupée en deux par un gros mur dont nous avons parlé plus haut et qui n’a pas pu être franchi car il soutient la galerie de défense juste au-dessus.

 
 

 "Degagement cour donjon 01"  "dégagement cour du donjon 02"  "dégagement cour du donjon 03"  

Les phases de dégagement de la cour du donjon 1 Les ouvertures plein cintre  2 Le centre de la cour 3 Le passage voûté

 "façade Ouest du donjon 01"  "façade Ouest du donjon02"  "façade Nord du donjon"  "façade Ouest du donjon 04" 

   "façade Ouest du donjon 03" "dessin façade Nord du donjon" "dégagement façade Nord du donjon " 

Opération de dégagement des façades Ouest et Nord du donjon primitif

Parallèlement à ce chantier la cour du donjon a été déblayée mettant à jour le mur Ouest percé de trois ouvertures plein cintre et du côté Nord un petit passage voûté parfaitement conservé datant du Xe siècle.

 
 

 "ouverture plein cintre"

 Les trois ouvertures plein cintre

 "plan de la cour" 

Relevé du plan de la cour

Il fallut encore un peu de temps pour que l’équipe comprenne qu’il ne s’agissait pas d’une cour mais de la grande salle du donjon du Xe siècle emmotté à une époque non définie et que c’est cette motte qui a permis de retrouver intact le parement extérieur.

En 1972 alors que la totalité du donjon n'avait pas été dégagé et qu'il restait des m3 à extraire Mr Davidson (un inspecteur des monuments historiques d’Angleterre) venu sur le site avait prédit en se basant sur sa connaissance des châteaux anglais la forme et les dimensions exactes du donjon d’Ivry et un peu plus tard Mr Mangard Directeur de Antiquités Historiques de Normandie avait comparé l'importance avec celle de Château Gaillard aux Andely. Aussi compte tenu de l’état du chantier et malgré les dénivellations de plusieurs mètres subsistantes encore dans certains secteurs, un premier plan du château put être fait à l’aide d’une vieille chaîne d’arpenteur, de règles et de mètres. Ce travail de plusieurs semaines révéla, bien que ce fusse une approximation, les dimensions de l’énorme donjon de l'architecte Lanfred. C’est sur la base de ce plan et même si il n’y avait que la partie Nord du donjon qui atteignait le deuxième étage que les premières reconstitutions furent mises sur papier par Robert Baudet. Il fallut attendre la mise au net de toutes les données relevées pour que le plan d’ensemble des ruines, qui fait toujours autorité aujourd’hui, soit établi.

 
 

A ce moment-là malgré les encouragements et une subvention annuelle non négligeable de Mr Bourguignon des Bâtiments de France les équipes s’amoindrissaient et se réduisaient certains week-ends à trois quatre volontaires. Aussi Robert Baudet décida de louer une pelleteuse mécanique pour pallier au manque de main d'oeuvre et faciliter le déblaiement des vestiges.  Bien que le chantier marchait au ralenti il y avait parfois des sursauts d'énergie et les actions connues, reconnues et appréciées. Même si le Club Archéologique était aidé financièrement et la Mairie d'Ivry payait les matériaux dont l'équipe avait besoin il n'avait aucune existence officielle et la question de savoir s'il fallait continuer ou non se posait. Aussi c'est à partir de cet instant que l'idée de transformer le Club Archéologique en une association loi 1901 commença à germer dans l'esprit de Robert Baudet. Mais le temps passant  les choses en restèrent là encore quelques années.

Après avoir fait une reprise partielle des murs des salles basses c’est sur le couloir de la galerie de défense  du donjon en très mauvais état que fut porté les efforts. Le caractère nouveau du chantier donna un sursaut au groupe qui se passionna sur ce travail. Même si certain travaillait déjà dans des entreprises du bâtiment chacun se découvrit des talents de maçon en réparant la demi voûte qui surplombait la galerie de défense. Les moins doués préparaient la « colle » faite de mélange de sable et de chaux blanche, les autres approvisionnaient le chantier en pierres

 
 

 "restauration de la galerie"  

 Réparation de la galerie de défense

Après avoir fait une reprise partielle des murs des salles basses c’est sur le couloir de la galerie de défense du donjon en très mauvais état que fut porté les efforts. 

Le caractère nouveau du chantier donna un nouveau sursaut au groupe qui se passionna sur ce travail. Même si certain travaillait déjà dans des entreprises du bâtiment chacun se découvrit des talents de maçon en réparant la demi voûte qui surplombait la galerie de défense et menaçait de s'écrouler. Les moins doués préparaient la « colle » faite de mélange de sable et de chaux blanche, les autres approvisionnaient le chantier en pierres.

 
 

  "restauration tour nord"   

  "restauration tour nord 2"   "restauration de la tour nord 3" 

Restauration interrompue du passage et de l'escalier de la tour Nord-Est

Le travail achevé, l’équipe entreprit de restaurer la porte et le couloir de la tour d’angle Nord qui se dégradait rapidement en raison de la mauvaise qualité de la pierre qui s’effritait. Avec l’argent dont le club disposait, Robert Baudet acheta la pierre de taille nécessaire  pour refaire les parois et les jambages.

Parallèlement une partie de l’équipe avait entrepris la consolidation de la tour Ouest du châtelet d’entrée mais la visite d’un jeune architecte Mr Colas des bâtiments de France qui estima que le résultat de la tour Nord ressemblait plus à un pavillon de banlieue qu’à autre chose interrompit et fit cesser les travaux dans ce secteur sans pour autant interrompre ceux entrepris au niveau du châtelet.

Pour changer l’équipe entreprit de dégager les espaces compris entre le pied du mur et la tour de flanquement côté Est ainsi qu’un petit secteur situé en contrebas à gauche de celle-ci

L’épisode de la tour Nord marqua la fin des travaux de maçonnerie pourtant il restait beaucoup de travail principalement dans la cour intérieure du donjon. Les fouilles recommencèrent quelques temps dans cette zone où une grande quantité de tuileaux et les restes d’un four à pain furent trouvés dans l’angle Nord Est. L’élan étant brisé par l’intervention de Mr Colas, beaucoup de jeunes découragés quittèrent le Club. Seuls quelques membres de l’équipe continuèrent par habitude mais l’attrait de la découverte n’existait plus.

 
 

 "dégagement façade Est 01"   "dégagement façade Est 02"  "dégagement façade Est 03"  "dégagement façade Est 04"  

Opération de dégagement de la façade Est

Il restait pourtant beaucoup de choses à faire au niveau du déblaiement aussi les travaux se déportèrent au pied du flanc Est. La tour de flanquement fut déblayée ainsi qu'un petit secteur situé en contrebas délimité par deux gros contreforts de la tour primitive. Les fouilles firent apparaître en avant d'un mur enfoui un passage situé à 1,80 m du niveau actuel du chemin. La situation de cet espace par rapport à l'ouverture de la poterne de la tour de flanquement située beaucoup plus n'a pas permis de comprendre comment il était possible d'accéder à cet endroit sinon que par des échelles. De même l'exploration du sol sur plusieurs mètres de profondeur n'a pas permis de trouver un fond. 

"escalier façade Ouest01"  "escalier façade Ouet 02"   "dessin escalier façade Ouest"  

Découverte des deux  premières marches de l'escalier dans l'angle Sud-Ouest de la cour et représentation supposée de l'escalier

Ce chantier fini l'équipe revint dans la cour intérieur où elle avait été intriguée par le découverte de nombreux tuileaux dans l'angle Nord-Est. Les recherches dans ce secteur  permirent de mettre à jour un four à pain hélas complètement détruit par la chute des pierres des murs environnant. Le rapprochement fait avec la découverte des restes de meule dans l'espace situé derrière la porte juste au-dessus fit penser qu'il y ait pu avoir un moulin dans cette partie mais rien à cet instant n'étant venu confirmer cette hypothèse c'est resté une supposition.

A l'époque le groupe  continuait à penser que le niveau des seuils des portes était celui du seuil d'origine mais la découverte de tessons de poterie et d'objets divers  dont un ornement en plomb  encouragea l'équipe à aller plus loin le long du grand mur Ouest percé de trois grandes baies. C'est alors que fut mis à jour les deux premières marches d'un escalier par lequel on pouvait accéder à cet espace après l'emmottement du donjon et le bouchage des trois fenêtres qui se révéleront être des jours. L'étude de l'escalier confirma qu'il aboutissait à un passage situé en haut à gauche de l'angle Sud-Ouest qui permettait l'accès au donjon depuis la motte.

L'équipe n'étant plus réduite qu'à trois quatre personnes elle aurait voulu entreprendre des travaux de consolidation des murs pour empêcher leur dégradation et assurer leur conservation. Mais vu les déboires connus avec le chantier de la tour Nord-Est une partie quitta le chantier laissant seulement deux d'entre eux poursuivre jusqu'en 1982.

Au terme de douze années d'une aventure extraordinaire ayant vu l'évacuation de 15 000 m3 de remblai et l'engagement d'une centaine de bénévoles , ce fut le début d’une longue période durant laquelle le manque de soutien de la Mairie propriétaire des lieux, le manque d’argent et les appels en vain à des bénévoles contribuèrent à un long endormissement du Club Archéologique. En 1983, la volonté de Robert Baudet permettra un redémarrage de l'aventure avec quelques années plus tard la création de l’association Les Vieilles Pierres continuité indéniable du Club Archéologue.

 
                         
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