Château du XIIIe siècle à son apogée

   

C’est à partir 1200, alors que Robert IV d’Ivry vassal de Philippe Auguste détient la garde et commandement d’Ivry, que le château subit d’importants travaux qui transforment considérablement sa physionomie et accroissent son système de défense.

 
 

Les transformations les plus spectaculaires sont la construction du Châtelet et celle de la Tour Nord. Mais on doit également prendre en considération le bouleversement de l’organisation interne du château avec la transformation, commençait au siècle précédent, de l’espace de la Tour d’origine en cour qui engendre le déport d’une partie des logements au-dessus des celliers sur la face orientale et la construction d’un nouveau bâtiment de forme trapézoïdale côté Sud.

Le châtelet s’élève collé en avant de l’enceinte côté Nord-Ouest de la façade Nord. Il  marque la nouvelle entrée principale au château.

Il est constitué de deux tours circulaires imposantes de 5,60 m de diamètre avec des murs de 1,50 d’épaisseur projetées au-devant de l’enceinte primitive.

"vue aerienne du chateau au xiiie siecle"

 
 

 "vue d'ensemble du chatelet02"  "vue latterale du chatelet"

Les deux tours sont reliées par un mur de 5 à 6 m de haut et de même épaisseur. Ce mur comporte en partie haute une plateforme (à l’origine une fosse profonde) de près de 4 m de large sur 7 m de long dotée d’un côté (côté fossé) d’un double seuil destiné à recevoir d’une part le pont-levis à flèche et d’autre part une première porte à franchir pour accéder au château. L’emplacement de la seconde porte se situe en enfilade sur le côté opposé et est formé par un passage charretier de 2,50 m de large percé dans la muraille du XIe siècle.

 

 

"hypothése chatelet" Schéma suggéré de l'ancien système de communication (Robert Baudet)

"embrasure en haut du chatelet" Embrasure de voûte en haut de la tour de droite du châtelet

On remarque, partiellement masquée par la tour de gauche, une entrée piétonnière primitive située à gauche du châtelet dont le seuil correspond au niveau de l’emmottage de la tour d’origine. Il est fort probable, vu sa position, que cette porte soit antérieure à la construction du Châtelet, qu’elle ait pu appartenir à un autre système de communication tel celui qui est suggéré par le schéma ci-contre et qu’elle fut condamnée lors de la construction de ce dernier.

Au regard des vestiges si nous pouvons affirmer que le niveau bas des deux tours était creux et totalement aveugle compte tenu de ce qu’il reste des tours il est impossible de certifier si les étages supérieures des tours étaient dotés d’ouvertures.

Seul, au niveau du premier étage de la tour de droite, le tableau gauche d’une embrasure couverte d’une voûte, semble étayer l’hypothèse de la présence d’ouvertures sans que l’on puisse en déterminer le nombre. Un décalage réduisant la largeur du mur à 1,60 m au niveau du premier étage indique la présence d’un plancher.

Lors du dégagement de l’intérieur des deux tours, la découverte de grosses pierres, de merlons et de corbeaux indiquent qu’il y eut présence, sinon de hourds, d'un couronnement au sommet des tours. Des tessons de bois brûlé et des bris d’ardoises trouvés lors de l’affouillement du fossé nous informent que les tours du châtelet furent couvertes d’une toiture en poivrière et que l’ensemble fut incendié avant d’être partiellement détruit au siècle suivant.

La base des tours forme un fruit (une inclinaison) qui s’enfonce dans la terre. Ce fruit est une réalisation tardive que l’on peut situer au début de la guerre de Cent Ans afin de renforcer les bases de la tour et de pouvoir résister aux nouvelles armes (les canons).

 
 

En fait les tours d’origine descendent bien plus bas afin de rejoindre le fond du fossé situé à quelques mètres au-dessous du sol actuel (en rouge sur le schéma ci-dessous). Leur base, d’un diamètre légèrement supérieur est construite verticalement et est renforcée par un talutage qui assure la protection du bâti.

"coupe talus du chateau"   "schéma emmentage du chateau"   "talus du chatelet" 

Schéma et vue du talutage de la face Nord du château (sur le schéma de gauche le talutage et en jaune et le renforcement des tours en bleu)

 
 

"systéme pont levis"Illustration de la desserte du château par un pont en pierre suivi d'un pont levis

"tracé du pont et pont levis"

Plan de l'accès au site au XIIIesiècle

Le châtelet était desservit par un pont enjambant le fossé (comme le montre le dessin ci-contre). Nul ne peut dire si ce dernier était en bois ou en pierre. La présence de massif en pierre émergeant du sol au sommet de la contrescarpe (flan du fossé opposé au châtelet) laisse supposer, en absence de fouille à cet endroit, deux hypothèses :

  • soit le début du pont reposait sur une simple culée en pierres à cet endroit
  • soit le pont était précédé d‘une barbacane ou, vu la largeur du talus, d’une simple porte fortifiée situé au sommet de l'escarpe et contrescarpe séparant les deux fossés. Le seuil de cette porte servant de culée et d’assise au départ du pont.

Dans les deux cas, compte tenu de la largeur du fossé, il est fort probable que le tablier du pont fut soutenu par des piliers en pierre (2 ou 3 compte tenue de la distance) dont les massifs de base en pierre seraient sous le sol du fossé tel qu’il est visible aujourd’hui.

 "vue des culées du pont" "seuil du pont levis couleur"  Vues actuelles où l'on voit à gauche les vestiges de la culée du pont  et à droite le seuil du pont levis

 
  La Tour Nord, certainement construite sous le règne de Charles VII, est un modèle de l’évolution de l’architecture de défense « philipienne ».  
  "plan tour nord"

De forme circulaire elle s’insère en flanquement massif et débordant à l’angle Nord-Est de l’enceinte. Sont débord intérieur, au niveau du boulevard, forme un arc de cercle où se situe une porte d’entrée aux piédroits moulurés.

Sa base talutée forme un fruit avec un appareillage constitué d’une alternance de remplissages en silex noirs taillés en petits cubes et de chaînage en pierres de taille. Dominée par la gaine de défense édifiée au siècle précédant il semble qu’elle ne devait pas être très haute.  Un escalier à vis dans une tourelle accolée donnait accès aux étages supérieurs et à la coursive orientale. Percée d’archères à chaque niveau elle permettait une défense active sur tout l’angle Nord-Est. 

 
  "photo tour nord"   "talutage de la tour nord"   "photo tour nord 02"  "photo tour nord 03"  
  Vestiges de la tour Nord (de droite à gauche : la base en pierre de taille et silex , schéma du fruit  formant la base de la tour, vue de la façade orientale et l'escalier de desserte des niveaux supérieurs)  
 

Un bouleversement important dans l’organisation interne du château intervient à la fin du XIIIe et dans le courant du XIVe siècle avec la transformation de l’espace recouvert par l’emprise de la tour d’origine en une cour fermée dans laquelle il sera trouvé en 2009 un puits, un four à pain et un bas fourneau .

  "la aula transformée en cour" "le four"  "le puits"           Vue de la Tour d'origine transformée en cour                                      Le four à pain et le puits au pied de la tourelle lors de leur découverte en 2009

Cette modification de l’organisation interne entraîne la distinction entre l'accès aux parties résidentielles et l'accès à la partie commune nouvellement créée avec la cour qui sont traités de manière différente.

 
 

 "accès à la cour au xiiie siecle" "vue de l'escalier accès cour"   Vue,en haut à gauche,du nouvel accès à la cour          L'escalier tel qu'il devait être

Un nouvel accès spacieux aux parties inférieures est réalisé en reprenant une partie du mur occidental de la grande salle (photo de gauche).

Il est réalisé en perçant une porte de plein pied au-dessus d'un ancien jour déjà obstrué au siècle précédent et en construisant un escalier droit côté intérieur le long de cette face occidentale de l'ancienne tour. L’escalier, aujourd’hui disparu, est porté par de arcs bandés entre des piles comme le montre l'illustration ci-contre.

 
 

"plan des accès au xiiie siecle"​  Plan des accès et du nouveau bâtiment Sud

L’accès aux parties résidentielles, situées à l’étage au dessus des celliers, bénéficie d’un traitement particulier induit par la construction d’un bâtiment trapézoïdal en prolongement de la face sud de la tour primitive.

La courtine est percée d’une porte de 1, 70 m de large qui donnait accès dans une petite cour et sans doute à un escalier situé dans le mur niveau du premier étage.  La circulation est encore améliorée par édification d’une tourelle escalier à vis créée à l’angle Sud Ouest de la Aula devenu maintenant cour. La tourelle d’un diamètre intérieur de 2,30 m déborde  d’un quart de cercle sur la cour et repose sur un socle plein incurvé (concave) en partie basse pour ménager un passage autour du puits positionné dans cet angle.

La forme circulaire de la tour était rattrapée un peu plus haut par un double encorbellement, toujours visible, réalisé de trois rangs superposés de pierres de taille profilées en quart de rond à listel appelées tores.

 
    "tour escalier 02"   "encorbellement"   "tour escalier 01"  la La tour escalier à vis dans l'angle de la Aula et l'encorbellement    
 

Le départ de l’escalier prend place à l’extérieur de la tour côté Sud. Il débouche deux mètre au-dessus du niveau de l’emmotage et dessert une porte d’accès primitive disparue mais partiellement visible au niveau du sol. Après un trois quart de tour il débouche dans un étroit passage qui aboutit dans une pièce de 5,20 m sur 2,20 m (actuellement l’emplacement des drapeaux), qui pourrait être, d’après les vestiges d’ossements culinaires trouvés lors des fouilles, une cuisine. Mais une autre hypothèse permettrait de dire qu’il s’agirait d’une voie de passage vers la gaine de défense moins exposée aux assaillants.

Il est fort probable que d’autres modifications intervinrent, entre les années 1380 (date de possession du château par Charles d’Ivry) et 1449 (date du démantèlement et de l’abandon du château), dans les parties résidentielles aujourd’hui disparues mais rien ne permet d’affirmer lesquels. De même il est difficile dans dire plus sur la construction trapézoïdale. Bâtiment ou cour l’interrogation reste. Seule sa forme est connue en raison de la présence, sous le sol actuel, de fondations en maçonnerie.

 

  "plan général "  "détail des zones inexplorée"   

Plan général du site (Château et Basse-cour)  Zoom sur la zone non encore explorée de la  basse-cour  où se trouve la cheminée, une porte et un silo 

Par contre il semble qu’il y eut à cette époque, dans l’espace situé entre la forteresse et la basse-cour, d’autres aménagements occupant deux paliers inférieurs à la terrasse Sud sur une surface deux fois supérieures celle du château. Peu de chose subsiste sur cette zone: quelques pans de mur un peu élevés, la base d’une cheminée du XVe siècle, une porte, un silo, etc. mais il est impossible d’en dire plus tant que les recherches n’auront pas été faites dans les nombreux mouvements de terrain qui recouvrent encore les substructions au niveau du sol.

 "cheminée basse-cour" "porte dans la basse-cour" "silo dans la basse-cour"

photos des éléments visibles dans la basse-cour de gauche à droite : cheminée, porte et silo

 
               
               
               
               
   Les dessins, plans, relevés architecturaux et images 3D de la forteresse figurant dans ces pages ont été réalisés par : Mr Robert BAUDET initiateur du projet de réhabilitation et réalisateur des premiers travaux de dégagement en 1968, Jean MESQUI Ingénieur des ponts et chaussées spécialiste de châteaux du Xe au XVe siècle, Éric Follain Docteur en archéologie artiste numérique et Dominique PITTE suite aux opérations de déterrement et de fouilles du château initiés en 1968 par le Club Archéologie, L'ensemble est le résultat des études et recherches réalisées par l’association les Vieilles Pierres sous l'égide de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) depuis 1989.